"LE RETOUR DU 12ème CHASSEURS A SEDAN"
Un événement important a
marqué l'année 1963
dans l'esprit des membres de notre Amicale : la reconstitution du 12ème
Régiment de Chasseurs dans son ancienne
garnison.
Après un an de présence à Sedan, le 1er
Hussards Parachutistes était remplacé
par le 21ème Régiment de Spahis dont
les premiers éléments arrivaient dans notre ville dès le 2 Novembre 1962.
Sous le commandement du
Lieutenant-Colonel CALVEL, il s'installait : l'E-M. et deux escadrons au
quartier Fabert et un escadron à
celui d'Asfeld.Le 21ème Spahis, arrivé directement d'Algérie, était destiné
à échanger ses calots rouges contre les bérets
noirs et son écusson contre celui du 12ème
Chasseurs. Dès le 12 Janvier cet échange
était effectif.
Le nouveau Régiment a
conservé la même formation, soit : 3 escadrons à 4 pelotons. Chaque escadron est
armé de 18 chars E.B.R. Ces
chars légers peuvent rouler sur 8 roues et
atteindre des vitesses importantes. Ils
sont puissamment armés. Leur utilisation
principale s'exerce dans des missions de
reconnaissance.
C'est le 21 Janvier qu'a eu
lieu la très émouvante prise d'armes au cours de laquelle s'est
faite la remise de l’Etendard qui porte, ainsi que nous le savons, les noms de JEMMAPES 1792, AUSTERLITZ
1805, ALGER 1830, PUEBLA 1863,
AISNE 1917, AVRE 1918.
Le Régiment est rassemblé dans la Cour d'Honneur du Quartier Fabert, devant les vieux bâtiments :
les escadrons à pied en première ligne, derrière eux les chars E.B.R. La
fanfare du Régiment et la musique de la 6ème Région placées en équerre masquant le corps
de garde et la grande grille d'entrée. Devant l'ancienne carrière, face au Régiment et de part et d'autre d'un
mât où flottent les couleurs, deux
emplacements sont réservés : l'un pour les autorités et les invités,
l'autre pour les anciens de l'Amicale du
12ème Chasseurs.
Le groupe des autorités
comprend, entre autres, Monsieur HAYEM, Préfet des Ardennes, Monsieur FREUND, Sous-Préfet de Sedan, Madame CARDOT,
Sénateur des Ardennes, Vice-Président du Sénat, le Général d'Armée NOIRET, député des Ardennes, Monsieur GOCHARD Maire
de Sedan, accompagné de plusieurs conseillers
municipaux, le Colonel LE HENRY, Commandant la Subdivision des Ardennes et de
nombreuses notabilités militaires de la Ville et
de la Région.
Précédée de son fanion, l'Amicale des Anciens du 12ème
Chasseurs, de son côté, forme
un groupe compact, qui l'aurait
été bien davantage sans le froid
intense et surtout le verglas qui régnaient ce jour-là. On note la présence
d'une quarantaine de membres dont certains
venus des environs de Sedan et même de plus loin.
Il est
10 h 30, le Général MASSU, Gouverneur de Metz et Commandant de la 6ème Région
militaire fait son entrée au quartier. Il est accompagné
du Général GOUJON, commandant la 8ème Division et du Général PIN,
commandant la 10ème Brigade. La fanfare fait retentir les sonneries réglementaires.
Le Général MASSU passe
le régiment en revue puis vient se placer au milieu de
la cour, face aux escadrons, avec le Lieutenant-Colonel CALVEL qui, d'une voix forte,
prononce l'allocution suivante :
"Officiers, sous-officiers,
brigadiers chefs, brigadiers trompettes et cavaliers du 12ème Régiment de
Chasseurs ressuscité, vous allez être présentés pour la première fois à
votre nouvel étendard, que je vais recevoir des mains du Général MASSU, commandant
la 6ème Région Militaire.
"Symbole de la
Patrie que nous devons défendre, pour l'honneur et
la grandeur de laquelle nous devons être prêts à tous les sacrifices, il recèle en outre dans ses plis tout un passé de gloire que je vais retracer brièvement devant vous.
"Créé en I788 sous l'Ancien Régime, à partir des Chasseurs de Fischer
qui, avec les Houzards, constituaient la Cavalerie Légère de l'époque, le 12ème
Chasseurs est un régiment soudé et cohérent lorsque éclate la tourmente
révolutionnaire. Fidèle à la Nation dont il est
issu, il est au complet au grand jour
de Valmy qui, par la victoire de nos armes, va marquer l'avènement d'une ère
nouvelle.
"Par sa fière attitude, son comportement
sous le feu, ses charges brillantes contre les éléments qui tentent de tourner
nos positions, il rassure les engagés
de fraîche date qui composent la majorité de l'Armée Française et leur inspire
cet esprit de décision qui fera reculer les soldats de Brunswick.
"C'est le point de départ de l'épopée des
Guerres de la Révolution et de l'Empire, épopée où, à chaque bataille, le 12ème est
présent et où, sabre au poing, il conquiert de haute lutte sa large part de
gloire sous des chefs légendaires de la légère d'alors qui ont noms Montbrun
et Pajol.
"Deux noms de
victoires inscrites à l'Etendard commémorent cette époque : Jemmapes 1792, Austerlitz 1805.
Pour vous donner une
idée de la bravoure de nos Grands Anciens, je vous citerai le fait d'armes du maréchal des
logis Scoubart qui, le 17 Juin 1807, au
lendemain d’Eylau, dans la poursuite qui suivit la
Bataille, alors qu'il était en pointe
d'avant-garde à la tête d'un
brigadier et de six chasseurs, chargea tout
ce qu'il rencontra sans s'occuper du nombre et, lancé
à la poursuite de l'arrière-garde d'un
Corps Prussien en retraite, sabrant
des groupes de 50 à 100 cavaliers qui tentaient de résister, permit par sa seule action, au Régiment qui le suivait de loin, de capturer 2.000 prisonniers.
"L'ère napoléonienne close, le
Régiment, toujours actif, participe
glorieusement en 1830 au débarquement de Sidi-Ferruch, au combat de
Staoueli et à la prise d'Alger.
"A l'accession au pouvoir de Napoléon
III, le 12ème est alors en
Algérie et combat sur les-confins algéro-marocains.
"De ce fait, il ne
participe pas aux campagnes de Crimée et d'Italie, mais au
Mexique, il donne sa pleine mesure en chargeant et sabrant les partisans
de Juarez et en inscrivant le nom de Puebla 1863
à l'Etendard.
"Puis vint la Guerre
de 1870, partout où il est engagé, il prend et conserve l'ascendant sur l'ennemi. Il
rompt à Sedan le Cercle de Fer qui veut se refermer sur lui, se replie
sur la Normandie où il combat jusqu'au bout
l'envahisseur, et c'est invaincu qu'il
termine cette désastreuse campagne.
"1914 le trouve en
garnison à Saint-Mihiel. Il est engagé dès les
premiers jours dans la Bataille des
Frontières et, immédiatement, il surclasse partout les éléments de
Cavalerie qui lui sont opposés.
"Puis, lorsque la stabilisation des
fronts ne lui permet plus de faire montre de ses vertus cavalières, il est mis à la disposition des divisions
d'infanterie sous forme d'escadrons détachés isolément. Il réussit, grâce au
sacrifice de ses officiers, gradés et Chasseurs à se distinguer encore dans cette forme
ingrate de combat, puisqu'il mérite, après avoir perdu 179 des siens, tombés au champ d'honneur, d'inscrire les noms
de "Aisne 1917 - Avre 1918"
sur la soie de l'Emblème qui nous est remis
aujourd'hui.
"En 1939, la mobilisation le trouve à
Sedan où il fait partie de la 5ème Division Légère de Cavalerie. Le 10 Mai
1940, après avoir combattu à cheval
les blindés allemands qui se ruent à travers les Ardennes, il recule pas
à pas devant eux: en faisant tête à chaque occasion
en Argonne, sur l'Aisne et sur la Somme, leur causant de lourdes pertes.
"Il finit hélas,
faute de renforts, exsangue et décimé à St Valéry-en-Caux le 12 Juin 1940, après un mois de combats ininterrompus, ayant combattu pour
l'honneur jusqu'au dernier homme et la
dernière cartouche.
"Une citation à l'ordre de l'Armée sanctionne ce fait d'armes.
"Durant le siècle et
demi de son existence, toujours sur la brèche,
notre Régiment a fait montre en toute occasion des plus belles qualités de l'Arme.
"Courage, allant,
audace, discipline, esprit de sacrifice.
"Ces traditions
chargés de pures gloires sont désormais les vôtres. Haussez vous moralement à
la hauteur de cet héritage sacré qui
nous impose avant tout des devoirs.
"C'est pourquoi je demande à
chacun d'entre vous, lorsque retentira dans le recueillement la sonnerie "A l'Etendard", de faire intérieurement le
Serment de rester, quelles que soient les circonstances, toujours dignes de vos glorieux
anciens et de votre prestigieux étendard.
Après ce bref mais magistral résumé de l'action de l'ancien 12ème Chasseurs et ce vibrant appel
à la discipline et à l'esprit de sacrifice, le Général MASSU annonce au
Régiment qu'il va lui remettre
son Etendard.
Par une attention
touchante du Lieutenant-Colonel CALVEL, c'est le
Président de l'Amicale, en l'espèce
le
Commandant de GRETRY,
qui tend l'Etendard au Général MASSU, lequel le transmet au Lieutenant-Colonel CALVEL, qui, à
son tour, le confie au Lieutenant
BECHARD, porte-étendard entouré de la garde d'honneur.
Moment d'indicible émotion lorsque résonne la
sonnerie à l'Etendard suivie de l'Hymne National.
Le Général MASSU procède
ensuite à la remise au Commandant WEIL,du 12ème Chasseurs, de la croix d'Officier de la
Légion d'Honneur et à celle de Chevalier au Capitaine FAIVRE d'ARCIER,
du 9ème Hussards, également de la 10ème
Brigade.
Puis c'est
le défilé du Régiment précédé de sa
fanfare et de la Musique de la 6ème Région Militaire qui entonne une marche militaire entraînante.
Les Escadrons partent de
derrière les anciennes écuries de l'E.M.E. où ils ont été
rassemblés. Emmenés par le Lieutenant-Colonel CALVEL,
passent devant le groupe formé par les Généraux MASSU, GOUJON, PIN et le
Commandant de GRETRY, que, par un autre témoignage
d'égard aux anciens du Régiment, le Général MASSU a prié de se placer à sa droite.
Un à un les Escadrons disparaissent du côté
des écuries du 4ème Escadron. La
manifestation militaire est terminée.
Elle est suivie par un vin
d'honneur à la Salle d'honneur et au nouveau et très confortable Mess des Sous-Officiers qui a été édifié
à l'emplacement du magasin à fourrage du 2ème Escadron.
Enfin, à 12 h 30, au
Mess des Officiers, au Château-Bas, un
déjeuner popote était servi, auquel
étaient conviés quelques membres de l'Amicale.
Aucun discours ne fut prononcé à ces deux réunions, mais rendez-vous était pris pour une réception offerte par
l'Amicale aux Officiers et Sous-Officiers du 12ème Chasseurs
le 23 Février au Château-Bas.